King Kong [1933], Merian C. Cooper & Ernest B. Schoedsack

01/09/2015 19:14

Catégorie : Film exceptionnel, accoucheur de mythe

Notes :

Impression et surimpression.

On sent bien que King Kong pourrait encore avaler 1000 passants, les déchiqueter et les broyer contre le sol, il n'arriverait qu'à la cheville de la rapacité, de la voracité de Charles Denham, envolée au-delà même du désir de la gloire et de l'argent.

Profondeurs de champ avec glissements de l'humain au mécanique, double éclairage de l'historique au préhistorique, de la terre à l'étoile, au sens propre la sidération ?

- Le cri prévisionnel, fictif (préfictif, préhistorique) sur le bateau. La vision, c'est aussi voir avant et pouvoir ne pas voir. Car lorsqu'on ne peut plus se boucher les yeux car les mains sont liées, c'est l'effroi dont les yeux sont l'organe principal et la voix, l'organe final. Le son et l'image selon Cooper (ou Henri Michaux).

- Sacrifice : prix à payer (participe futur) pour la paix retrouvée ou prix payé (participe passé) pour le dérèglement et la faute.

- Surcroît de force dégagée par l'image par l'image, un peu hâchée, mouvement qui semble plus rageur, plus décidé encore de part l'énergie supposée pour surmonter cette gêne.

- L'amour fou, King Kong fasciné par l'invu (ce que serait l'inouï à la vision) : la femme blonde. Et cet attendrissement immédiat, c'est comme une mutation de l'espèce dont nous sommes témoins en direct. Nous aussi donc, nous sommes pris par l'invu. Le cinéma vient de saisir ce qui prend des millions d'années et qui se fait dans le silence des gênes.

- Longues focales ou recadrage pour ajuster le trucage.

- Désir du film qui mène à la Bête... qui la crée. Discours critique de l'avidité du public, réalisé dans le cynisme de Denham. Héros négatif, ou pour le moins neutre, accoucheur des frustrations (meurtrières) d'une masse. 1933 !!

- Sujet de Cooper. S'assure de deux choses pour se lancer dans la réalisation : que la face du singe puisse exprimer l'amour, cette tendresse totale, qui vient de le visiter et que les cheveux de la femme puissent déclencher ces sentiments, cette mutation (génétique, ontologique ? cinématographique.)

C'est sur cette image - ou quelques secondes avant - qu'Antoine, 4 ans, crie et se blottit contre moi en se cachant les yeux. King Kong vient de sortir de la forêt, de renverser quelques arbres et de passer sa tête au-dessus de ceux encore debout. Et s'il fallait que le scénario exige qu'il soit plus effrayé que nous encore, la solution serait sans doute celle que nous voyons.